Filtrer les pfas de l’eau de boisson : solutions pratiques pour une eau plus saine à la maison

Filtrer les pfas de l'eau de boisson : solutions pratiques pour une eau plus saine à la maison

Pourquoi tout le monde parle des PFAS dans l’eau du robinet

Vous avez peut-être découvert le mot « PFAS » entre deux gorgées de café, en lisant un article alarmant sur votre smartphone ou en entendant un reportage à la radio. Subitement, le verre d’eau posé sur la table de la cuisine n’a plus du tout la même allure.

Les PFAS, ce sont ces « polluants éternels » utilisés depuis les années 1950 dans les poêles antiadhésives, les emballages alimentaires, les textiles imperméables, certaines mousses anti-incendie… Ils résistent à presque tout, ne se dégradent quasiment pas, et se retrouvent aujourd’hui dans les sols, les rivières, l’air… et parfois dans l’eau de boisson.

En France, plusieurs enquêtes (notamment de l’ANSES et de médias comme Le Monde) ont mis en lumière des dépassements de seuils dans certaines zones, avec des cartes de contamination parfois difficiles à lire pour le grand public. Résultat : des familles s’interrogent. Faut-il encore boire l’eau du robinet ? Les carafes filtrantes suffisent-elles ? Que peut-on faire, concrètement, à la maison, sans paniquer ni dépenser un SMIC en matériel ?

C’est à ces questions très pratiques que cet article veut répondre.

PFAS : que risque-t-on vraiment en buvant l’eau du robinet ?

Les PFAS ne provoquent pas d’intoxication aiguë comme une eau fortement contaminée aux nitrates ou aux bactéries. Le problème, c’est l’exposition chronique, à petites doses, pendant des années. Plusieurs études internationales les relient à :

  • Une augmentation du cholestérol;
  • Des troubles de la fertilité;
  • Un risque accru de certains cancers (rein, testicule notamment);
  • Des effets sur le système immunitaire (réponse plus faible à certains vaccins chez l’enfant).

En 2023, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a fixé une dose hebdomadaire tolérable très basse pour quatre PFAS majeurs, signe que la communauté scientifique prend ce risque au sérieux. En France, l’ANSES recommande de mieux surveiller et réduire ces substances dans l’eau de consommation.

Est-ce que cela veut dire que votre eau est dangereuse ? Pas nécessairement. Tout dépend :

  • De votre zone de résidence (proximité d’industries, anciennes usines, aéroports, casernes de pompiers);
  • Des contrôles réalisés par les autorités sanitaires;
  • Du type de PFAS présents et de leurs concentrations.

Mais si vous lisez cet article, c’est que vous préférez agir plutôt qu’attendre un hypothétique courrier de l’ARS. On passe donc au concret.

Première étape : savoir ce que contient (vraiment) votre eau

Avant de se lancer dans l’achat d’un filtre cher, une question simple : de quoi avez-vous besoin de vous protéger ? PFAS, nitrates, pesticides, résidus médicamenteux ? La réponse n’est pas la même à Brest, Lyon ou dans un petit village du Gers.

Trois réflexes utiles :

  • Consulter le rapport de qualité de l’eau : disponible en mairie, sur le site de votre fournisseur d’eau, ou via le service « Qualité de l’eau potable » du ministère de la Santé. Les PFAS ne sont pas encore systématiquement affichés, mais de plus en plus de collectivités commencent à les mesurer.
  • Surveiller la presse locale : les révélations sur les PFAS ont souvent démarré par des enquêtes régionales (vallée de la chimie près de Lyon, par exemple). Un article consacré à votre département donne souvent plus d’informations qu’un rapport national.
  • Envisager une analyse privée : certains laboratoires proposent maintenant des analyses ciblées PFAS, mais le coût peut être élevé (souvent plus de 150–200 €) et tous ne proposent pas ce service. À réserver si vous êtes dans une zone à risque et que vous voulez une réponse personnalisée.

En parallèle, on peut déjà prendre des mesures de précaution raisonnables, en visant à réduire l’exposition sans tomber dans la psychose.

Les grandes familles de solutions pour filtrer les PFAS

Malheureusement, ouvrir une carafe filtrante standard et espérer éliminer tous les PFAS n’est pas réaliste. Tous les systèmes ne se valent pas. Trois technologies se détachent pour diminuer significativement les PFAS :

  • Le charbon actif (en bloc ou en granulés);
  • L’osmose inverse;
  • Certaines résines échangeuses d’ions (souvent couplées aux deux premières).

On les retrouve sous plusieurs formes : carafes, filtres sous l’évier, systèmes centralisés, filtres sur robinet. On fait le tri.

Carafes filtrantes : utiles, mais pas la baguette magique

On les trouve en grandes surfaces, souvent en promo, promises à un « meilleur goût » de l’eau. Leur principe : un mélange de charbon actif et de résine échangeuse d’ions, dans une cartouche à renouveler régulièrement.

Face aux PFAS, où en est-on ?

  • Oui, elles peuvent réduire une partie des PFAS, surtout les molécules les plus longues, mais les performances varient énormément selon la marque et le modèle.
  • Beaucoup de carafes ne sont pas spécifiquement testées ni certifiées pour les PFAS, mais plutôt pour le chlore, certains métaux (plomb, cuivre) et parfois quelques pesticides.
  • Si les cartouches ne sont pas remplacées à temps, elles peuvent devenir des nids à bactéries et perdre une grande partie de leur efficacité.

En résumé : la carafe peut être un « premier pas », surtout pour améliorer le goût et réduire certaines substances, mais ce n’est pas l’option la plus robuste contre les PFAS.

Pour limiter les déceptions :

  • Vérifiez les certifications indépendantes (NF, NSF, etc.). Si le fabricant met en avant une réduction des PFAS, il doit pouvoir présenter des tests précis.
  • Respectez scrupuleusement la fréquence de changement des cartouches (et plus souvent si vous buvez beaucoup d’eau).
  • Lavez la carafe (et surtout le couvercle) très régulièrement pour éviter la prolifération bactérienne.

Filtres au charbon actif sous l’évier : le compromis efficace/prix

C’est souvent la solution la plus réaliste pour une famille qui veut sérieusement réduire les PFAS sans transformer sa cuisine en laboratoire.

Le principe : un boîtier est installé sous l’évier, relié au réseau d’eau froide. L’eau passe à travers un bloc de charbon actif compressé (parfois combiné à d’autres médias filtrants), avant d’arriver soit à un robinet dédié, soit au robinet principal.

Pourquoi c’est intéressant pour les PFAS :

  • Le charbon actif adsorbe une partie des PFAS, notamment les plus longues chaînes comme le PFOA ou le PFOS, celles qui posent souvent le plus de problèmes;
  • Les modèles sérieux affichent des rapports de tests détaillés, avec les taux de réduction sur plusieurs contaminants, PFAS inclus;
  • Le coût à l’usage est raisonnable : quelques dizaines d’euros par an en cartouches, une fois le système installé.

Points de vigilance :

  • La certification : privilégiez les filtres avec des certifications de type NSF/ANSI 53 (réduction de contaminants de santé) ou des tests indépendants mentionnant explicitement les PFAS;
  • Le débit et la capacité : un filtre trop petit saturera vite si la consommation est importante;
  • L’entretien : une cartouche oubliée pendant deux ans perd une bonne partie de son efficacité, PFAS compris.

Concrètement, pour une famille de 3–4 personnes, on trouve des systèmes entre 150 et 300 € à l’achat, puis 40 à 100 € par an de cartouches, en fonction du débit et de la gamme.

Osmose inverse : la solution la plus radicale (et la plus contraignante)

Si vous discutez dans la salle d’attente du pédiatre, vous entendrez parfois cette phrase : « Nous, on a mis un osmoseur, au moins on est tranquilles. » Pas complètement faux… mais pas totalement vrai non plus.

L’osmose inverse fait passer l’eau à travers une membrane très fine qui retient la grande majorité des polluants : sels, métaux lourds, pesticides… et aussi une large part des PFAS, y compris les molécules plus petites que le charbon actif laisse parfois passer.

Ses atouts :

  • Très forte réduction d’un grand nombre de contaminants, PFAS compris;
  • Adapté aux zones très polluées ou aux personnes particulièrement vulnérables (femmes enceintes, nourrissons, pathologies chroniques), en complément des recommandations médicales;
  • Certifications possibles (NSF/ANSI 58, par exemple) qui détaillent ce qui est réellement filtré.

Mais il y a des contreparties :

  • Le système rejette une partie de l’eau (entre 2 et 4 litres d’eau rejetée pour 1 litre d’eau osmosée, selon les modèles);
  • Il retire aussi des minéraux (calcium, magnésium, etc.). Certains fabricants prévoient une « reminéralisation » partielle, mais pas tous;
  • Le coût est plus élevé : souvent 300 à 800 € à l’achat, plus la maintenance (préfiltres, membrane à changer régulièrement);
  • L’installation prend de la place sous l’évier, avec un réservoir et plusieurs cartouches.

C’est donc une solution à envisager surtout si :

  • Vous êtes dans une zone identifiée comme très polluée (et pas seulement aux PFAS);
  • Vous êtes prêt à gérer l’entretien (ou à le déléguer à un installateur);
  • Vous acceptez le gaspillage d’eau associé, quitte à récupérer l’eau de rejet pour arroser des plantes ou nettoyer.

Et l’eau en bouteille dans tout ça ?

Réflexe courant : « On va passer à l’eau en bouteille, au moins c’est sûr. » Sauf que non, pas vraiment.

  • Toutes les eaux en bouteille ne sont pas testées ni étiquetées pour les PFAS. Là encore, les données sont encore partielles.
  • Des études en Europe et aux États-Unis ont déjà trouvé des PFAS dans certaines eaux embouteillées (souvent à faible dose, mais tout de même présentes).
  • Le plastique des bouteilles ne contient pas de PFAS à proprement parler, mais pose d’autres questions (microplastiques, additifs, impact environnemental, transport).

L’eau en bouteille peut être une solution de secours ponctuelle (en zone de contamination avérée, en attendant des travaux sur le réseau ou l’installation d’un filtre), mais en faire une solution permanente :

  • Coûte cher à long terme;
  • Génère beaucoup de plastique;
  • Ne garantit pas forcément une eau « zéro PFAS ».

Si vous en utilisez, privilégiez :

  • Les eaux dont la composition est détaillée et régulièrement mise à jour sur le site du fabricant;
  • Les bouteilles en verre consigné quand c’est possible.

Installer un filtre chez soi : questions à se poser avant d’acheter

Face à un vendeur enthousiaste, en magasin de bricolage ou sur Internet, il est facile de se laisser convaincre. Avant de sortir la carte bancaire, quelques questions simples à vous poser (et à poser au fabricant) :

  • Quels contaminants le système est-il réellement capable de réduire ? Demandez des rapports de tests, pas seulement des promesses marketing.
  • Les PFAS sont-ils explicitement mentionnés ? Si oui, lesquels (PFOA, PFOS, PFHxS, PFNA, etc.) et avec quels taux de réduction ?
  • Quelle certification indépendante possède le produit ? Normes NSF/ANSI, labels reconnus, tests par un laboratoire tiers.
  • Quel est le coût annuel d’entretien ? Cartouches, membranes, visites techniques, etc.
  • Le système est-il adapté à mon foyer ? Débit suffisant, place sous l’évier, compatibilité avec votre plomberie.

Si le vendeur est incapable de vous fournir ces éléments, fuyez. Un bon fabricant n’a aucun intérêt à rester flou sur les performances réelles de son filtre.

Budget serré : que peut-on faire malgré tout ?

Tout le monde n’a pas 500 € à investir dans un osmoseur. Mais il est possible de réduire une partie de son exposition aux PFAS sans exploser son budget, en combinant plusieurs leviers :

  • Améliorer le filtrage, même modestement : une carafe filtrante de qualité (vérifiée, entretenue) ou un petit filtre sur robinet au charbon actif ne feront pas de miracles, mais peuvent réduire une partie des PFAS les plus longues, en plus d’autres polluants.
  • Cibler les usages les plus sensibles : si vous ne pouvez pas tout filtrer, concentrez-vous sur l’eau destinée à la boisson, aux biberons, à la préparation des aliments consommés crus (salades, etc.).
  • Limiter d’autres sources de PFAS pour ne pas cumuler les expositions : textiles « déperlants », poêles usées avec revêtement antiadhésif abîmé, sprays imperméabilisants, certains emballages alimentaires.
  • Se regrouper à plusieurs foyers pour négocier un meilleur prix sur un système plus poussé (filtre sous évier ou osmoseur) via un installateur local.

Une astuce parfois oubliée : certaines collectivités, confrontées à des pollutions, proposent des aides financières pour l’achat de systèmes de filtration individuels, en attendant la mise à niveau des usines de traitement. Renseignez-vous en mairie ou auprès de votre Agence Régionale de Santé.

PFAS, enfants, grossesse : faut-il redoubler de prudence ?

Les effets des PFAS sur le développement fœtal et l’immunité de l’enfant sont parmi les plus documentés. Si un bébé arrive ou si vous vivez avec de jeunes enfants, il est logique d’être plus vigilant.

Quelques repères :

  • Si vous êtes dans une zone de contamination avérée, discutez-en avec votre médecin ou sage-femme. Ils peuvent vous orienter vers des recommandations locales (eau en bouteille temporaire, filtre spécifique, etc.).
  • Pour les biberons, privilégiez une eau à faible teneur en polluants (filtrée de manière fiable, ou en bouteille adaptée, en vérifiant bien les recommandations pour nourrissons).
  • Ne vous contentez pas d’une carafe non certifiée pour les PFAS si vous savez que votre zone est à risque. Dans ce cas, mieux vaut un système plus robuste (charbon actif hautes performances ou osmose inverse).

Et surtout, ne restez pas seul avec vos questions : les professionnels de santé commencent à être mieux informés sur ce sujet et peuvent vous aider à arbitrer de façon raisonnable.

PFAS : ce que vous pouvez décider aujourd’hui, sans tout révolutionner

On ne va pas assainir des décennies de pollution chimique en un seul achat de filtre. Mais, à l’échelle d’un foyer, on peut déjà reprendre un peu la main.

En résumé, pour une eau de boisson plus saine à la maison :

  • Informez-vous sur la qualité de votre eau locale (rapports, presse, ARS). Sans données, on navigue à vue.
  • Clarifiez vos priorités : budget, niveau de protection souhaité, taille du foyer, contraintes techniques.
  • Visez au minimum un bon filtre au charbon actif sous évier, certifié et bien entretenu, si vous êtes dans une zone à risque modéré.
  • Considérez l’osmose inverse si la contamination est importante ou que vous avez des vulnérabilités particulières, en acceptant ses contraintes.
  • Ne faites pas reposer toute votre stratégie sur l’eau en bouteille : utile ponctuellement, mais ni durable ni infaillible.
  • Profitez-en pour réduire d’autres sources de PFAS dans la maison : cuisine, textiles, produits de traitement.

Au fond, filtrer les PFAS chez soi, ce n’est pas chercher à tout contrôler. C’est reprendre un peu de marge de manœuvre dans un système qui nous dépasse. Un robinet, un filtre bien choisi, quelques habitudes ajustées : c’est parfois suffisant pour boire son verre d’eau du matin l’esprit plus tranquille.

Roxane